Michel Jonasz Cully
Fin de journée ensoleillée hier à Cully et voilà l'intérieur du Chapiteau qui prend des allures de piscine bleutée. Mais qui est ce gars tout de gris sapé,à la tête de gomme et aux allures de fonctionnaire qui débarque sur scène? Fini le buisson sur la tête pour Michel Jonasz. Pour ceux que cela indispose au moment où il ouvre avec Y'a toujours quelqu'un qui pleure , de son dernier et récent album, il suffit de fermer les yeux. Apparaît alors sous les paupières un immense nez prodigue en accents bluesy forcément nasaux, le plus souvent de l'autre côté de la limite du compréhensible, tels des scats infiniment étirés. Jonasz n'est pas pour rien l'homme qui chante comme il pleure ou qui pleure comme il chante. Inutile de compter le verbe lacrymal dans son chapelet de chansons: il y a «pleurer misère», «pleurer notre amour» mais aussi «pleurer comme on dit des rivières». L'univers de Michel Jonasz fait irrémédiablement penser à ces loosers qui vous mouillent le gilet, vous racontent leur vie, leurs malheurs et leurs rêves pour l'oublier, ne s'arrêtant que lorsque ferme le bar…
Bains de Javel
La seule différence, et elle est de
taille, c'est que Jonasz a un sens de la
démesure rédempteur, une façon de forcer le pathétique
jusqu'au seuil du
ridicule, qu'il en devient touchant au bord du précipice du kitsch
ultime.
Guesch Patti a beaucoup dû apprendre de Michel Jonasz. C'est bien là qu'intervient
l'humour du chanteur qui se moque de sa calvitie en la réclamantant
à ses musiciens (recette possible: bain de Javel ou permanente quotidienne),
qui
avoue que «oui, c'est bien possible que mes chansons soient tristes;
quand les
gens vont voir les artistes à la fin du concert, la plupart du temps
ils leur
disent «quel talent!» moi ils me prennent dans les bras, me tapent
dans le dos
et j'ai droit à un «quelles épreuves!» Et il suffit
de le voir remuer du popotin
dès que le swing s'enflamme, gesticuler des ailes comme un Michel
Blanc de la
chanson et faire la bouche en cœur quand toutes les femmes de la salle
entonnent
Supernana pour savoir qu'il y a du Gotainer chez cet homme-là …
Alors que Joueurs de blues bat son plein et la chamade, on part avec l'envie
de
lui dire: Celui qui t'aimait c'était moi.
Boris Senff pour 24 Heures
CULLY JAZZ A la fin d’un week-end dévoué aux expérimentateurs jazz, c’est un Michel Jonasz aussi drôle que triste qui prenait le relais au Chapiteau.