Michel Jonasz Lille
C’est une activité qu’il a lancée il y a un an.
C’est aussi dans ce bureau qu’est gérée la promotion
de son nouvel et quatorzième album, éponyme. Un album qui ressemble à s’y
méprendre au Michel Jonasz de J’veux pas que tu t’en ailles,
J’t’aimais tellement fort que je t’aime encore… Une
porte s’ouvre sur une cuisine en désordre. Michel Jonasz m’y
invite, comme à la maison. Lui et Caroline veulent absolument me faire
manger, même si j’ai déjà mangé. C’est
finalement autour d’un thé que l’interview peut commencer.
Un moment de grand plaisir.
Vous vous faites rare dans les médias. C’est une volonté ? «Pas
forcément. Je ne refuse pas de rencontrer des journalistes. Je suis
peut-être parfois un peu exigeant par rapport à des émissions
de télévision qu’on voudrait me faire faire et que je
n’ai pas toujours envie de faire. Pour le reste, c’est vraiment
une question de planning. Je ne peux pas parler l’après-midi
quand je chante le soir. Mine de rien, parler fatigue.».
Vous êtes de plus en plus porté sur la spiritualité ? «La
spiritualité est peut-être avant tout une espèce de question
qu’on se trimbale et je pense que ça, c’est dès
l’enfance. Enfant, je me disais: tiens c’est bizarre. Est-ce
que le monde, c’est ce que je vois, ou il y a autre chose encore ?»
J’ai relevé plusieurs phrases dans vos nouvelles chansons: vous
y posez beaucoup de questions. «Ah bon ? Et est-ce que ça vous
a fait vous poser d’autres questions? Parce qu’en fait, c’est ça
l’histoire! Une chanson est utile si elle n’apporte jamais de
réponse. Il ne faut pas chercher des réponses dans les chansons.
Mais si ça peut susciter des questions, je pense que la chanson joue
son rôle».
«
Le temps est un ennemi». C’est ce que vous pensez ? «Apparemment.
Il est un ennemi apparemment. Pas forcément.
Dans le cadre de ma chanson, je me suis dit: “qu’est-ce qui fait
qu’un jour, dans un couple, quelque chose peut commencer à se
désagréger ou à aller moins bien ?” Chacun a sa
théorie. Moi ce n’est pas une théorie, ce n’est
pas une réponse. C’est juste comme ça. Au début,
on est dans un coup de foudre, on est dans l’amour, et à un
moment donné, quelque chose se passe… Je dis “le temps
est un ennemi” … Mais ce n’est pas le temps qui fait ça:
c’est le fait qu’on se laisse aller qu’on n’essaie
pas de sauvegarder le feu».
C’est pour cela que vous dites plus loin: «C’est de ne
pas savoir aimer qui fait vieillir ?» «Oui, voilà!
Exactement. Ça c’est sûr. Parce que je pense que les fatigues
qu’on peut avoir, les lassitudes, ce n’est pas physique. Si vous
courez toute la journée à fond, vous allez être fatigué physiquement.
Une bonne douche et vous allez être bien. Ce qui fatigue, c’est
les contrariétés, les soucis, les remords, les reproches, les
regrets, de ne pas vivre le présent et d’être toujours
dans une espèce de truc… Ça, ça fatigue. C’est ça
qui peut faire qu’on s’abîme ».
Le thème de la rupture est très présent dans cet album.
Tenace ? «Cela s’explique parce que j’ai repris des débuts
de chansons commencées à l’époque de J’t’aimais
tellement fort, que j’ai continuées. Celui qui t’aimait
c’était moi vient de cette période».
Encore une phrase: «Combien d’occasions ai-je laissées
passer ?» «C’est une réalité».
Vous avez l’impression d’être passé à côté de
beaucoup de choses dans la vie? «Oui. À côté de
choses importantes. Jamais professionnellement. C’est banal ce que
je vais dire, mais je crois que les choses importantes, c’est qu’on
ne se dit pas assez qu’on s’aime».
«
Ne jamais mourir sans avoir osé dire l’amour»… « Voilà».
Avez-vous le sentiment d’avoir assez dit l’amour ? «Non,
je ne crois pas. Mais beaucoup grâce à mon travail. Peut-être
par compensation».
Ce que vous n’avez pas dit dans la vie, vous l’avez dit dans
vos chansons ? «Oui, peut-être …»
Et est-ce que ça a touché la bonne personne ?
«
Je crois que ça a touché la personne qui devait l’être.
Même si je ne la ou les connais pas. Si une chanson a fait du bien à quelqu’un,
elle a touché la bonne personne.».
Propos recueillis par Virginie CARTON