Fabuleux Mister Jonasz

Fabuleux Mister Jonasz
Trois mille fans debout réservent la première ovation du festival au lutin bondissant. Dont le dernier spectacle épate par son originalité.


On se souviendra pendant longtemps de l’ouverture de cette 22e édition du jazz festival de Montreux. Il est rare de voir 3 000 personnes réserver une ovation debout à un spectacle dont ils ne savaient rien deux heures auparavant : " La fabuleuse histoire de Mister Swing " n’a pas volé son qualificatif. Tout y était fabuleux, de Michel Jonasz (cela devient une habitude) et ses nouveaux musiciens jusqu’à la sonorisation (ce qui est exceptionnel).

L’artiste français avait souhaité que le public en sache le moins possible sur ce récit musical. Pourtant jeudi soir, la salle comble a craqué après deux ou trois mesures. Dès l’introduction dans le style be-bop, le groupe américain frappe par son homogénéité et la finesse de son interprétation. Des sifflets ont néanmoins fusé quand le chanteur a annoncé qu’il n’y aurait aucun morceau ancien. Ils s’estompent vite.

Etat de grâce

Car l’artiste rayonne véritablement. On savait que ce grand chanteur est un comédien-né. Avec " La fabuleuse histoire de Mister Swing ", Jonasz a réussi la fusion parfaite de ses deux talents. Et cet états de grâce rejaillit sur le public qui écoute avec une attention soutenue. Même le va-et-vient dans les galeries est moins important qu’à l’accoutumée. Jonasz se montre émouvant lorsqu’il chante la tristesse de Mister Swing, qui se rend compte qu’en perdant sa petite amie par la faute de la gloire, le vrai bonheur lui échappe. Il devient un lutin bondissant et hilarant dans les moments parlés. C’est là, par exemple, que Jonasz caricature un producteur : " au septième jour, lorsque mon œuvre sera accomplie, je pourrai enfin me reposer … sauf si nous faisons des matinées le dimanche " !

Cela entre deux ovations. Car le spectacle a une pêche que le disque ne rend qu’imparfaitement. En un choral endiablé avec Arno Lucas et Reggie Mc Bride, ses remarquables percussionniste et bassiste, Jonasz fait exploser la salle sur " La chanson du compositeur ". Cela se reproduira avec les solides percussions et de la batterie d’André Fischer entre " Si si si le ciel " et la chanson-titre, dont les " la la la " finals résonnent encore dans le cœur des spectateurs.

En effet, même si elle comporte quelques passages plus faibles, " La fabuleuse histoire de Mister Swing " laisse l’impression d’avoir assisté à un miracle, tant ce spectacle est plein de rêve, de poésie et de bonheur. Merci M. Jonasz : de telles choses deviennent si rares sur scène.

Stéphane Rastello - Pour Le Matin du 2 juillet 1988

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